
Me Marc-Alexandre Hudon et Me Christiane Brizard, avocats pour Langlois Avocats, ont dispensé une formation le 28 novembre 2024 intitulée : « Loi 5 – Êtes-vous prêt ? ». Cette formation portait sur le champ d’application de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé et de la Loi 5 sur les renseignements de santé et services sociaux. La formation traitait des nouvelles obligations des entreprises et des nouveaux droits accordés, ainsi que des réalités professionnelles des opticiens, notamment en matière de consentement, d’utilisation et de communication de renseignements et de tenue de dossiers.
La qualité de la formation et les réactions qu’elle a suscitées ont conduit les avocats à en faire un résumé sous forme de Foire aux questions pour la rendre accessible à la totalité des membres de l’Ordre des opticiens d’ordonnances du Québec (OODQ). Une manière de faire circuler l’information sur ces Lois essentielles à la protection du public.

Marc-Alexandre Hudon est membre à la fois du groupe de litige et du groupe de droit commercial et des sociétés de Langlois. Sa pratique couvre principalement la protection des renseignements personnels, la cybersécurité, les contrats publics, l’intégrité des entreprises, le droit administratif et le droit professionnel. Il agit autant pour des entreprises que pour des organismes publics et des individus.
En matière de renseignements personnels, il conseille ses clients autant en matière de conformité réglementaire que dans le cadre de procédures judiciaires, incluant la représentation devant la Commission d’accès à l’information et la Cour Fédérale. Il agit également fréquemment dans le cadre d’enquêtes internes et réglementaires, et il a agi comme avocat-responsable dans plus d’une centaine de dossiers d’incidents de confidentialité, de perte ou de vol de renseignements personnels, de violation de données et de rançongiciel, incluant plusieurs dossiers impliquant des professionnels. Marc-Alexandre possède également une solide expérience en droit professionnel, ayant accompagné plusieurs dizaines de clients dans des enquêtes de syndic, des inspections professionnelles et la défense de plaintes disciplinaires, notamment dans des dossiers impliquant des enjeux de PRP.

Christiane Brizard exerce principalement dans les domaines de la gouvernance, de la déontologie et du droit professionnel.
Elle possède une connaissance approfondie du système professionnel, pratiquant le droit professionnel depuis plus de 40 ans. Cette expertise lui permet de se voir confier des mandats majeurs par les ordres professionnels. Elle a agi régulièrement à titre de conseillère juridique et stratégique auprès de conseils d’administration, de comités spéciaux ainsi que de membres de la haute direction d’ordres professionnels et d’organismes similaires à l’égard de l’ensemble de leurs fonctions et responsabilités. Détentrice d’un diplôme d’études supérieures spécialisées de 2e cycle en éthique appliquée, Christiane donne régulièrement des conférences sur la gouvernance et l’éthique et a participé à la rédaction de plusieurs articles sur ces matières.
Foire aux questions (FAQ) :
1. Étant donné que la Loi 5, la Loi sur les opticiens d’ordonnances et les règlements sont parallèles, et que la Loi 5 exige un consentement explicite du client, devons-nous désormais obtenir une autorisation écrite pour le transfert de prescription, ou une demande verbale (du client ou d’un collègue) reste suffisante ? Par ailleurs, le transfert de prescription à un tiers doit-il systématiquement être documenté dans le dossier du client ?
Le consentement explicite requis par la Loi 5 n’exige pas, en soi, que le consentement soit écrit. Toutefois, un consentement écrit permet non seulement de documenter l’existence du consentement de la communication de renseignements de santé à un tiers, mais également que ce consentement a été fourni de manière manifeste, libre, éclairée et pour les fins recherchées par sa transmission. L’adoption d’un consentement écrit standardisé et rédigé en des termes simples est de loin la meilleure manière de s’assurer d’obtenir un consentement valide à la communication de renseignements de santé à un tiers. Ainsi, d’un point de vue de conformité à la Loi 5, l’adoption d’un formulaire écrit de consentement est une excellente pratique.
Par ailleurs, nonobstant la Loi 5, l’article 3.07.04 du Code de déontologie des opticiens d’ordonnances prévoit le consentement écrit du client avant la transmission d’informations de son dossier à lui-même ou à toute personne que le client lui indique :
➔ 3.07.04. L’opticien d’ordonnances doit, sur demande écrite du client et au plus tard dans les 20 jours de la date de la demande, remettre à toute personne que le client lui indique, les informations pertinentes du dossier qu’il tient à son sujet ou dont il assure la conservation.
Dans les circonstances, une autorisation écrite devrait être obtenue d’un client avant de transférer une prescription à un tiers. Ce transfert devrait également être systématiquement documenté dans le dossier du client.
2. Peut-on, comme opticien, avoir accès aux dossiers des optométristes ?
Au niveau de la Loi 5, les principes cardinaux sont ceux du consentement éclairé et de la nécessité de l’accès. Ainsi, en vertu de la Loi 5, un opticien peut avoir accès aux dossiers d’un optométriste dans la mesure où cet accès :
1) s’inscrit à l’intérieur des fins pour lesquels les clients ont consenti à la collecte de leurs renseignements de santé contenus dans les dossiers des clients ;
2) est nécessaire à l’exercice des services de l’opticien pour la réalisation de ces fins.
Au surplus, tant les opticiens que les optométristes sont assujettis à des obligations de confidentialité en vertu de leurs codes de déontologie respectifs, ainsi qu’au secret professionnel.
En l’absence d’autorisations écrites spécifiques, un opticien ne devrait pas avoir accès aux renseignements de santé contenus dans les dossiers des optométristes. Selon le cas, d’autres renseignements personnels qui ne sont pas soumis à la Loi 5 et qui ne sont pas couverts par le secret professionnel peuvent possiblement être partagés entre un opticien et un optométriste sur la base d’un consentement implicite de la part du client (si les circonstances permettent d’inférer un tel consentement).
3. Dans un cabinet où cohabitent opticiens et optométristes, est-il recommandé d’avoir deux bases de données distinctes, soit une pour chaque profession ?
Le maintien de deux bases de données distinctes est une manière, parmi d’autres, d’assurer la cohabitation des obligations en matière de protection des renseignements personnels, de confidentialité et de secret professionnel des opticiens et optométristes à l’intérieur d’une même clinique.
Une solution alternative serait de mettre en place une base de données unique, avec des champs et des accès tantôt disponibles seulement aux opticiens, tantôt disponibles seulement aux optométristes, tantôt aux deux – par exemple : le numéro de client et ses coordonnées. Idéalement, cette solution serait configurée technologiquement afin de pouvoir rapidement refléter le contenu de formulaires écrits de consentement signés par les clients.
4. Lors d’un achat de lunettes, par exemple, est-il nécessaire d’obtenir le consentement signé du client avant de transmettre ses informations à son assureur privé si on considère qu’il doit d’abord nous présenter sa carte d’assurance pour que nous puissions transmettre la réclamation ? Le fait de présenter sa carte implique-t-il qu’il consent à leur transmission ?
L’obtention d’un consentement exprès est nécessaire pour transmettre des renseignements de santé du client à son assureur privé. En vertu de la Loi 5, il n’est pas nécessaire d’obtenir un consentement écrit, mais il est fortement recommandé d’en obtenir un pour des fins de documentation du consentement. Advenant que le consentement écrit ne soit pas obtenu, une note devrait minimalement être consignée au dossier pour documenter le consentement.
Il est à noter que si la communication à l’assureur ne comporte aucun renseignement de santé ce sera alors les règles de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (« Loi sur le privé ») qui s’appliqueront. Le consentement implicite (par exemple : présenter une carte d’assurance) pourrait alors être une base de consentement suffisante. La documentation de ce consentement demeure une bonne pratique.
5. Dans le cas d’un bureau détenu par un opticien, mais où des optométristes exercent. Lorsqu’une pharmacie nous contacte pour demander à l’optométriste un renouvellement de prescription (pour des gouttes oculaires par exemple), devons-nous obtenir l’accord signé du patient avant de partager ses renseignements de santé avec la pharmacie ?
Dans un tel exemple, l’obtention d’un consentement exprès est nécessaire pour transmettre les informations du client au pharmacien. En vertu de la Loi 5, il n’est pas nécessaire d’obtenir un consentement écrit, mais il est fortement recommandé d’en obtenir un pour des fins de documentation du consentement. L’obtention d’un consentement écrit préalable couvrant ce type de situations pourrait également s’avérer une bonne pratique.
6. Si le client est mineur (14 ans) et que ses parents demandent une copie de sa prescription optique, pouvons-nous leur fournir cette information ou devons-nous obtenir le consentement écrit du patient au préalable ?
La Loi 5 prévoit que le consentement du mineur de moins de 14 ans soit donné par le titulaire de l’autorité parentale, alors que le consentement du mineur de 14 ans et plus doit être donné par le mineur, à moins que la Loi ne prévoie autrement.
Dans cet exemple, si le patient est âgé de moins de 14 ans, la demande des parents est suffisante pour communiquer une copie de la prescription optique.
7. Mise en situation : Un client désire obtenir des informations numériques dans son dossier et l’opticien lui répond de venir chercher la copie de celles-ci directement au bureau (il refuse de les lui transmettre électroniquement notamment).
Quelles sont les obligations des professionnels concernant la transmission des informations informatisées considérant les lois suivantes ? :
- Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, article 27.
- Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux, article 66.
Dans le cas de l’article 66, est-ce seulement applicable dans le cadre d’une demande d’accès à l’information ?
La notion de « demande d’accès » prévue à l’article 66 de la Loi 5 est plus large que la définition qui lui est normalement attribuée. Cette notion s’applique tant aux organismes publics qu’aux organismes privés.
L’article 66 de la Loi 5 consacre le droit à la portabilité en matière de renseignements de santé. Cet article s’applique à toutes les situations dans lesquelles un individu demande d’avoir accès à un renseignement de santé assujetti à la Loi 5. Ces situations sont les suivantes :
- Demande d’un individu de recevoir copie de ses renseignements de santé détenus par le professionnel ou sa clinique ;
- Demande du titulaire de l’autorité parentale de recevoir copie des renseignements de santé d’un mineur de moins de 14 ans détenus par le professionnel ou sa clinique ;
- Demande d’un individu lié à un défunt (i.e. héritier, légataire particulier, liquidateur de la succession) de recevoir copie des renseignements de santé détenus par le professionnel ou sa clinique à condition que cela soit nécessaire à l’exercice de ses droits et de ses obligations à ce titre ;
- Demandes dans le cadre d’autres circonstances qui ne devraient pas s’appliquer aux opticiens.
L’article 66 de la Loi 5 prévoit qu’un renseignement de santé recueilli auprès d’un individu doit lui être transmis dans un format « technologique et structuré couramment utilisé » s’il en fait la demande et si cela ne soulève pas de difficultés pratiques sérieuses. Des mesures d’accommodement raisonnables doivent, sur demande, être prises à l’égard des personnes handicapées.
L’étendue du droit à la portabilité prévu à l’article 27 de la Loi sur le privé, qui s’applique aux renseignements qui ne sont pas des renseignements médicaux (par exemple : des renseignements de facturation), est différente à deux égards :
- Le droit est limité à l’individu qui demande de recevoir copie de ses renseignements personnels ;
- L’individu peut demander qu’un renseignement soit communiqué à toute autre personne ou organisme dans un format « technologique et structuré couramment utilisé ».
La Loi 5 et la Loi sur le privé n’abordent pas la question de la manière dont doivent être transmis les renseignements personnels visés par une demande d’exercice du droit à la portabilité – courriel, envoi postal, télécopie, remise en mains propres. Il va de soi que cette transmission doit se faire de manière sécuritaire, notamment afin d’éviter un incident de confidentialité, dans le respect des obligations déontologiques de l’opticien. Une vérification de l’identité de la personne qui demande à se prévaloir du droit à la portabilité sera donc généralement nécessaire (avec documentation à l’appui), à moins que le client ait fourni à l’avance un consentement écrit à la transmission de ses renseignements prévoyant des modalités précises (par exemple : transmission postale à une adresse précise ou à une adresse courriel précise). Selon le cas, une vérification de l’exactitude des coordonnées pour la transmission des renseignements demandés pourrait être de mise.