Dissertation de l’évolution des mentalités concernant les lunettes depuis leur avènement jusqu’à aujourd’hui
De la simple découverte de l’effet grossissant des pierres durant l’Antiquité à la démocratisation des verres correcteurs maintenant indispensables pour une majorité de gens, ces objets que sont les lunettes ont beaucoup évolué en fonction des changements de mentalités. Comme elles furent d’abord, au XIIIe siècle, destinées aux « vues longues », les hypermétropes et les presbytes, afin de faciliter la lecture, on les associa en tout premier lieu à la connaissance, la culture et la sagesse; utilisaient les lunettes seuls les érudits et les prélats de l’Église. Ce ne fut ensuite pas long pour que toute la bourgeoisie fut conquise par cet objet précieux.
Avec l’invention de l’imprimerie vers 1450, les lunettes gagnent petit à petit l’intérêt des gens du peuple, de plus en plus séduits par les connaissances livresques. Mais, aux yeux de la noblesse, ces nouveaux porteurs de lunettes, qui s’instruisent, qui revendiquent et qui, par ricochet, secouent l’ordre établi, sont des fauteurs de trouble. Les mentalités basculent : la classe dirigeante dénigre maintenant le port de lunettes et on caricature le porteur comme un individu de la gent porcine. La remise en question de la religion, dont les représentants sont associés au port de lunettes, contribue aussi à relier ces dernières à l’étroitesse d’esprit et au déshonneur. Cependant, les grandes inventions pullulent aux XVIIe et XVIIIe siècles, la correction pour myopes et les verres à double foyer font leur apparition, et l’utilité des lunettes et leur utilisation à grande échelle ne peuvent faire que l’unanimité. Bien entendu, pendant que les classes modestes en auront besoin pour leurs tâches manuelles, aristocrates et bourgeois s’amuseront à faire des lunettes des objets de luxe en or, argent, ivoire, nacre ou porcelaine, que bijoutiers et joailliers fabriqueront pour eux.
Les mentalités et les modes évoluent mais reviennent aussi. Le XIXe siècle voit, par exemple, le retour des pince-nez et des monocles chez les aristocrates. Cette période sera aussi marquée par l’apparition de nouveaux matériaux, dont le plastique, ainsi que de nouveaux procédés de fabrication, et c’est alors le début de l’industrialisation; on ne demande plus aux artisans de fabriquer les lunettes, on confie plutôt la tâche à des manufacturiers. Des marchés s’ouvrent… Des marchés sont à conquérir à plus forte raison. Or, au tournant des 1950, les lunettes sont bel et bien considérées comme des accessoires de mode; les décennies qui suivront verront la publicité envahir le monde de la lunetterie. Les lunettes deviendront de plus en plus extravagantes, prendront tous les styles, toutes les formes, toutes les couleurs. On les veut aussi fumées pour protéger ses yeux des rayons UV… mais aussi tout simplement pour avoir l’air cool! L’optophysionomie voit le jour; on veut façonner esthétiquement les lunettes pour tous les visages. L’aspect mode chevauche de plus en plus le volet médical; des lunettes auditives peuvent même être portées sans déguiser le look. Et la tendance à vouloir intégrer davantage la technologie ne semble pas vouloir s’essouffler en lunetterie : les lunettes 3D et les lunettes connectées ne sont plus de la fiction.
En 2021, on est à des années-lumière du temps où porter des lunettes devant un aîné était considéré, dans la pure tradition confucéenne, comme une marque d’impolitesse. Universellement aujourd’hui, on ne veut pas seulement mieux voir avec nos lunettes, on tient également à être mieux vus… Parlez-en aux porteurs des derniers modèles de lunettes de soleil surdimensionnées!
À propos de l’auteur de la dissertation
M. Ghislain Boudreault a grandi dans la pittoresque région de Charlevoix. Il s’est tout d’abord dirigé vers la physique nucléaire appliquée, tout particulièrement dans le domaine des accélérateurs de particules et de la production de radio-isotopes médicaux. Après avoir travaillé dans cette discipline très pointue pendant une vingtaine d’années dans quelques pays et moult pérégrinations, éprouvant le désir de demeurer dans la Belle Province, il développe un intérêt pour l’optique puis décide de réorienter sa carrière et de débuter, à l’automne 2021, le programme en techniques d’orthèses visuelles au Cégep Garneau.